LVMH était au centre de l’attention cette semaine, et pour cause, avec +12.81% le groupe a signé sa plus forte hausse journalière depuis plus de 15 ans (+12.91% le 13/10/2008).
Meilleurs qu’attendus, les chiffres du quatrième trimestre n’étaient pourtant pas exceptionnels. Ils ont cependant rassuré, un peu à l’instar de Richemont récemment dans un secteur du luxe aux dynamiques beaucoup plus contrastées depuis quelques mois. Si Richemont s’en sort très bien, Burberry n’a pas pu en dire autant avec une nouvelle gamelle et des plus bas covid revisités.
LVMH a continué à délivrer des chiffres meilleurs qu’attendus là où le marché s’attendait à un retour à un taux de croissance historique (plutôt autour de 7%) et craignait que la faible consommation Chinoise n’ait un impact important. Or rien de tout ça (pour l’instant). Et c’est d’autant plus remarquable que l’ensemble est plombé par le segment vins et spiritueux.
LVMH a donc explosé de presque 13% en ce vendredi 26 janvier, un excès en chassant sans doute un autre comme il est de coutume avec la bourse : depuis ses sommets d’avril 23 à 904€, LVMH n’avait rien fait, l’action perdant quasiment 30% jusqu’à son réveil brutal.
La hausse peut interpeler mais presque un an de baisse et -30% de baisse sur un dossier comme LVMH, il y avait peut-être une anomalie pour un groupe qui est un monstre de croissance surtout à cette échelle (on parle quand même de plus de 80 milliards de CA).
Retombée autour d’un PE 2023 de 20, LVMH semblait plutôt attrayante à ce moment-là avec son taux de croissance à deux chiffres depuis 3 ans et sa marge nette à 18%. Est-elle toujours intéressante après cette hausse et avec en parallèle les craintes de retour à une croissance plus normative après des années fastes post-covid ? Tentons d’y voir plus clair avec un exercice de valorisation sur ce dossier.
En résumé
Nous partons d’une valorisation de base à 697.91€ (22x les résultats 2023/24 sur une moyenne très grossière du secteur).
- BILAN : Un peu d’endettement mais il est tout à fait maîtrisé à 1x l’Ebidta. De même, un peu de Goodwill qui est à 18% de l’actif au bilan mais sans que ce soit déraisonnable ici.
o Prime/décote sur le BILAN : 0%
- TRACK RECORD CREATION DE VALEUR : En 10 ans LVMH a pratiquement triplé sa génération de FCF qui augmente de façon erratique mais régulière (en baisse assez marquée après un pic en 2021). Même avec cette baisse depuis 2021, elle reste largement au-dessus des niveaux de 2018. Le constat sur la marge d’Ebidta est également très bon, celle-ci a augmenté de plus de 30% en 5 ans. Ras sur le nombre d’actions en circulation qui tend plutôt à diminuer (-2% vs 2013 et -1% vs 2018).
o Prime/décote sur TRACK RECORD : +12% (+6% FCF dev, +6% EBT dev)
- MARGE NETTE & FCF : La marge nette est excellente, autour de 18%. Plus irrégulière, la marge de FCF est inférieure, généralement dans une fourchette 10/15%.
o Prime/décote sur MARGE NETTE & MARGE FCF : +14% (+11% MN, +3% MFCF)
- RATIOS de VALORISATION : Revenue sur un PE autour de 20 avant sa forte hausse de vendredi, LVMH était clairement sous ses ratios historiques plutôt autour d’un PE de 26 si on prend un historique assez long de 15 ans. Le secteur du luxe est assez large et disparate. Les valorisations de ses acteurs varient énormément entre un Hermès valorisé à 50x les bénéfices et des Kering ou Burberry qui sont à un PE de 15. Aussi, je retiendrai une valorisation sectorielle de 22.5x les bénéfices, légèrement supérieure au PE actuel de LVMH. A 5.67x son actif net comptable, LVMH est chère.
o Prime/décote sur RATIOS : -22% (+2% vs histo, -1% vs sectoriel, -23% vs PTB)
- CROISSANCE : Toujours une belle croissance attendue pour les années à venir. Si le taux de croissance post-covid a été historiquement haut, il devrait progressivement tendre vers des valeurs plus normatives (autour de 7%). Aussi, je prends l’hypothèse plutôt prudente d’une croissance annuelle de 6.8% du CA entre 2023 et 2028. Le résultat et les FCF devraient croitre entre l’exercice 2023 et 2025, avec un niveau de FCF potentiellement nettement plus élevé.
o Prime/décote sur CROISSANCE : +14.5% (+12% CAGR 23/28, +2.5% RN/FCF 25 vs 23)
- AUTRE : N/A
o Prime/décote sur AUTRE : 0%
- Somme de toutes les primes et décotes : +19%
- Valorisation FINALE : 827.12€
- GAP vs cours actuel : +7%
Sous éval sous (703.05€) ___ Fair value (827.12€) ___ Sur éval au-delà de (951.19€)
FORCES/OPPORTUNITES
- Bon niveau de marge nette
- Belle croissance du CA malgré la taille du groupe
- Nette progression de la marge d’Ebidta sur les 5 dernières années
- Résilience dans un contexte de consommation plutôt défavorable et dernière publication meilleure qu’attendue
FAIBLESSES/MENACES
- Super-cycle récent sur le luxe amené à ralentir pour un retour à une croissance normative ?
- Chère en PB value
Conclusion
La revalorisation de vendredi laisse apparaitre une valorisation plus en adéquation avec les fondamentaux du dossier. Si la fair value de LVMH est relativement proche des cours actuels, la hausse observée et les volumes entrants ne sont pas anodins. Le soulagement est palpable sur un dossier largement mis de côté par le marché pendant 9 mois. Aussi, une poursuite de la hausse sur les prochains mois semblerait être un scénario assez probable.
Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que la croissance observée par bon nombre d’acteurs du luxe post-covid a été forte, supérieure à la croissance moyenne du secteur, y compris pour un LVMH. Certains acteurs, les plus fragiles (Kering, Hugo Boss, Burberry) ont été rattrapés par la patrouille avec un retour de bâton très violent. Sans dire que LVMH observera un ralentissement marqué de ses ventes, il me semble évident que ce retour à un taux plus normal interviendra. La question étant plus quand. Le marché l’avait anticipé cette fois mais s’est planté. Aussi, s’il me semble y avoir une belle fenêtre à court-terme, je serais nettement plus prudent si LVMH revenait à tutoyer ses plus hauts dans les prochains mois.
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