ALSTOM / BOMBARDIER, fusion (enfin) digérée ?
Intro
Alstom se traîne en bourse depuis plus d’un an avec un cours en baisse de près de 60% par rapport à ses plus hauts, et pratiquement divisé par 3 sur ses plus bas récents. La faute en incombe au rachat de la division transport de Bombardier. Cette dernière, qui avait très largement séduit les investisseurs est désormais trainée comme un boulet par Alstom depuis son intégration. Tentons de faire un retour sur le pourquoi de cette fusion et les événements qui ont amené à la situation actuelle.
Rappel des événements
Le 17 février 2020, c’est officiel : un nouveau numéro 2 mondial du ferroviaire est né avec le rachat de la division transport de Bombardier par Alstom. La nouvelle entité distance désormais nettement Siemens Mobility avec un carnet de commande de 71 milliards d’euro et plus de 75.000 salariés dans le monde.
Alstom efface le camouflet de la fusion ratée avec Siemens Mobility refusée à peine un an auparavant par la commission de Bruxelles en février 2019 au nom de la concurrence.
Bruxelles craignait en effet un déséquilibre la concurrence au détriment des compagnies ferroviaires et les collectivités locales.
Alstom est donc arrivé à ses fins, et dans une situation à priori bien plus favorable qu’avec Siemens. Car avec Siemens, il s’agissait d’une fusion entre égaux. Là, Alstom rachète purement et simplement son concurrent Canadien pour un prix autour de 6 Milliards d’euro.
Alstom a donc très vite et très bien rebondi après cet échec, gardant cette idée fixe d’agrandissement de son périmètre et de consolidation sectorielle. Henri Poupart-Lafarge, le PDG d’Alstom concrétise enfin un projet de longue date : créer le « vrai » numéro deux mondial du ferroviaire.
Contrairement à la précédente fusion, ce rachat est bien validé par la commission de Bruxelles moyennant quelques cessions d’actifs en Europe (sa gamme de trains régionaux Coradia Polyvalent, un site de production en Alsace, tandis que Bombardier cède sa plateforme TALENT 3 et son usine de Berlin). « Grâce à leur important travail sur le précèdent projet, les experts de la Direction générale de la concurrence européenne avaient déjà une connaissance fine de notre secteur, et le dialogue a été fluide immédiatement, ce qui nous a permis de converger plus vite en proposant une série d’engagements. »
« Bombardier est très complémentaire d’Alstom de par son histoire. Nos points forts géographiquement sont leurs points faibles, et inversement. Cette complémentarité géographique s’accompagne d’une complémentarité technologique car les produits sont faits pour les différents marchés. »
L’émergence du Chinois CRRC
Pour comprendre pourquoi Alstom a été aussi active dans ses démarches, il faut aller chercher des éléments de réponse du côté de la Chine.
Au début des années 2000, le marché Chinois est un eldorado pour les leaders Européens de l’industrie ferroviaire : un immense marché en plein développement à conquérir. Pour Alstom comme pour ses pairs, les espérances vont vite être rattrapées par la réalité. A partir de 2009, la Chine se mets à exporter des trains à grande vitesse qui ressemblent largement aux modèles Européens. La Chine va même donner des cauchemars à Alstom, puisque non contente de dominer son marché intérieur, elle-va passer à la vitesse supérieure sur le plan international.
Deux groupes, CNR et CSR, dominent le marché domestique Chinois dans les années 2000. Ceux-ci se partagent sans trop de mal l’immense marché Chinois mais se livrent une guerre des prix sur les appels d’offres internationaux.
En 2015, ils fusionnent pour donner naissance à un géant : CRRC, sous l’œil bien évidemment bienveillant du pouvoir central à Pékin.
« En donnant naissance à CRRC, l'Etat actionnaire souhaitait à la fois mettre fin à certaines ventes à perte, multiplier les économies d'échelle et créer un champion national plus puissant pour attaquer les marchés étrangers »
La nouvelle entité est un géant : Un chiffre d’affaires de 26 Milliards d’euro, une présence de 104 pays couvrant 83 % des pays équipés de lignes ferroviaires.
CRRC se lance très vite dans les appels d’offres internationaux avec cette fois beaucoup plus d’atouts dans sa manche, complètement soutenu par l’état Chinois. Le champion Chinois casse les prix, propose de créer des usines d’assemblage, offre un « package » avec apport de financement et infrastructures (lignes, trains, signalétique).
Les succès arrivent d’ailleurs vite avec un renouvellement de rame de métro à Boston ou encore à Chicago. Partout dans le monde ou presque, CRRC remporte des succès dans les appels d’offre (Buenos Aires, Istanbul, Brésil, Inde, Nouvelle-Zélande ...).
Ce développement remarquable à l’international ne va toutefois pas assez vite aux yeux de Pékin. « Sur les trois premiers trimestres de 2018, CRRC n'aurait, selon la presse chinoise, réalisé que 20 % de son objectif annuel, à 7 milliards de dollars de nouveaux contrats à l'étranger. »
CRRC se heurte en effet à des réticences : « Aux États-Unis, il y a des réticences de plus en plus fortes concernant le matériel roulant chinois. En Europe, où sont implantés Alstom et Siemens, la percée des Chinois est encore plus difficile. Alstom et Siemens sont encore très forts tandis que le chinois peine à faire homologuer et standardiser ses produits ». Si CRRC à bien réussi à pénétrer le marché et gagner quelques contrats en Serbie, Macédoine, République-Tchèque, il a échoué dans sa principale offensive sur le vieux continent en échouant à racheter le Tchèque Skoda.
Au moment de leur projet de fusion, Alstom et Siemens ont eu beau mettre en avant cette percée à l’international de CRRC pour justifier leur projet, Bruxelles n’a pas été convaincu, jugeant celle-ci non indispensable à la vue des difficultés de CRRC en Europe.
Cette fusion aurait pourtant envoyé un signal fort d’une Europe capable de s’unir et de créer des champions paneuropéens. Bruxelles en a décidé autrement, invoquant un trop grand risque monopolistique pour la concurrence en Europe. On a vu que les Chinois, eux, n’ont pas hésité une seule seconde, démultipliant leur force de frappe par la même occasion.
Les ambitions Chinoises restent d’ailleurs complémentent intactes. « La progression technologique évidente depuis dix ans » du constructeur chinois. « CRRC n'a certes pas encore réussi à vendre son TGV à l'étranger, mais ses équipements s'améliorent et vont devenir de plus en plus compétitifs, abonde Agatha Kratz. CRRC va en outre continuer à bénéficier d'énormes économies d'échelle et d'un soutien financier et politique sans faille de Pékin. »
Celles d’Alstom le restent également. Le PDG du groupe est convaincu qu’Alstom doit grandir pour pouvoir continuer à rivaliser avec les Chinois.
Difficultés de Bombardier
On aurait pu penser qu’Alstom serait échaudé par l’échec de cette fusion Européenne mais il n’en fut rien. A peine un an plus tard, Alstom annonce son intention de racheter la division ferroviaire de son concurrent Bombardier. Le mariage entre Alstom et Siemens aurait réuni le 2ème et le 3ème acteur du secteur. Cette acquisition va elle, permettre au Français d’absorber son concurrent Canadien, 4ème acteur du secteur par ordre d’importance. Comme nous l’avons évoqué plus haut, avec Siemens, la fusion aurait-été d’égal à égal. Ici, Alstom absorbe purement et simplement son concurrent. La patience (forcée) du Français aura été récompensée.
Alors, on comprend aisément pourquoi Alstom a racheté son concurrent. Ce qui reste à éclaircir, c’est pourquoi Bombardier a accepté de vendre sa division ferroviaire à Alstom. La réponse est en fait assez simple, Bombardier est en grande difficulté et ce depuis longtemps. Alors contrairement à Atos par exemple, Bombardier a choisi de vendre ses bijoux de famille pour tenter de s’en sortir.
Bombardier abordait le nouveau millénaire avec de grande ambitions : Le Canadien se voyait concurrencer Boeing et Airbus. La suite a viré au cauchemar.
En 2015, la situation est catastrophique. Les autorités Québécoises doivent voler au secours de leur fleuron lors d’un grand plan de sauvetage présenté par le groupe. Bombardier a également cédé 30 % de sa division Transport à la Caisse de dépôt et placement du Québec en échange de 1,5 milliard US en février 2016.
Au bord du dépôt de bilan, le groupe cède ses activités aéronautiques à tour de bras dans les mois et années qui suivent : Des usines à Belfast et Casablanca, son programme d’avions régionaux CRJ (racheté en 2019 par Mitsubishi pour 550 Millions de dollars), son turbopropulseur Q400 (cédé pour 300 Millions), ses aérostructures, et le liste est loin d’être exhaustive. « Depuis plusieurs années, la stratégie de Bombardier tient plus de la grande braderie que de la politique d'expansion. Depuis l'arrivée du nouveau PDG, la division aviation a vu son volume d'affaires fondre de 3 milliards de dollars américains et la branche Transport a vu le sien décliner de 1,3 milliard. »
Sur le plan des résultats, les améliorations tardent à venir, semant le mécontentement chez ses actionnaires. Tout au long de l’année 2019, ceux-ci ont été rassurés pratiquement à chaque publication d’une amélioration imminente qui ne s’est jamais concrétisée.
Juste avant l’annonce du deal avec Alstom, Bombardier avertissait encore une fois sur ses résultats avec des prévisions nettement inférieures à ce qui était précédemment annoncé. Le cours de bourse n’a évidemment pas bien réagi à la nouvelle tutoyant des plus bas de 4 ans.
Ces piètres résultats trouvent en bonne partie leur cause dans des problèmes de livraison portant sur une poignée de projets. Au total, ces 350 millions de dépenses additionnelles ont fait basculer le résultat d’exploitation de la division transport dans le rouge, passant d’un bénéfice de 120 Millions de dollars à une perte de 230 millions. Au-delà de cette perte, ce qui préoccupe c’est la récurrence de ces dépenses de ces fameux contrats : le problème se pose alors pour le 5ème trimestre consécutif et Bombardier est alors incapable de dire si les problèmes sont bels et bien terminés (après l’avoir très longtemps promis). La crédibilité de la direction en a donc pris un sacré coup avec cette série de déboires.
En bref, même après ce plan de sauvetage et toutes ces cessions, la situation est toujours loin d’être reluisante : « La marge de manœuvre semble mince, avec un niveau d’endettement très élevé, un levier opérationnel et une intensité capitalistique élevée, et des marchés très concurrentiels. »
« Une partie des commandes de Bombardier Transport s’est révélée de qualité médiocre, pour avoir été contractée sous la contrainte de maintenir coûte que coûte l’activité. »
Problèmes : Alstom a-t-il sous-estimé les problèmes de Bombardier ?
La volonté d’Alstom de grandir considérablement pour pouvoir rivaliser avec les Chinois est pleine de bon sens. La réussite de l’acquisition de la division transport de Bombardier à peine un an après été débouté par Bruxelles est un tour de force impressionnant. Cette acquisition a tout d’une bonne opportunité sur le papier, profitant pleinement des difficultés de Bombardier, obligé de vendre voire brader ses bijoux de famille.
Oui mais voilà, si cette division est déficitaire et pose problème à Bombardier depuis des années, le tableau n’est peut-être pas aussi rose. Celle-ci a de sérieux problèmes entre des contrats historiques déficitaires et de mauvaises relations avec ses clients ...
Alstom finalise son rachat le 29 janvier 2021 pour un montant de 5,5 milliards d'euros. Le protocole d'entente signé entre les deux groupes fixait un prix de base plus élevé, situé entre 5,8 milliards et 6,2 milliards d'euros. Alstom a obtenu une ristourne, mais le Français en espérait davantage … Alstom accuse notamment Bombardier de « manquement à certaines dispositions contractuelles de l'accord de vente en date du 16 septembre 2020 ». Alstom a également déchanté en épluchant les comptes du Canadien, soulignant clairement « que certains contrats passés poseraient des problèmes d’exécution. »
La bourse apparait de plus en plus sceptique quant à l’intégration de Bombardier et face aux problèmes à venir liés à ces fameux contrats. Et cette inquiétude ne va faire que gagner du terrain à mesure que les mauvaises surprises liées aux activités de Bombardier s’accumulent (retards de livraison, erreurs de gestion …). Ce scepticisme va rapidement se transformer en véritable défiance : les investisseurs se retirent et le cours d’Alstom sera divisé par 3 entre ses plus hauts de décembre 2020 et février 2022 !
Pour William Mackie, analyste de Kepler Chevreux, « en plus des prévisions négatives sur le flux de trésorerie disponible, les investisseurs seront frustrés à court terme par l'incertitude soulevée par les défis d'intégration de Bombardier et du manque de perspectives sur les bénéfices à court terme. »
Ces contrats déficitaires, ces retards de livraison, ces erreurs de gestion font sévèrement passer Alstom dans le rouge en 2021. La perte nette s’élève à 581 millions d’euros en 2021 : Déjà handicapé par Bombardier, le conflit en Ukraine est venu se rajouter aux soucis d’Alstom. Le groupe a été obligé à déprécier sa participation dans le constructeur ferroviaire russe Transmashholding. La direction reste optimiste mais les actionnaires peinent à être rassurés.
Ces péripéties ne remettent pas en cause la stratégie d’Alstom : Cette acquisition est pleine de sens. Elle est sans doute nécessaire pour pouvoir pleinement rivaliser avec les Chinois et ce n’est pas dit qu’une occasion d’acquérir un concurrent aussi important se représente de sitôt. Alstom compte également bien mettre la main à la patte pour sur les activités récupérées de Bombardier, ceci étant, ces changements ne peuvent pas être immédiats dans une majorité de cas, surtout sur des contrats pluriannuels ou sur de longues durées … Alstom fait donc son possible mais il semble bien que l’impact négatifs de certains contrats de Bombardier ait été largement sous-estimé. C’est ce qui explique la très grande frilosité des investisseurs, peu décidés à revenir sur le titre en dépit d’une baisse de plus de 60 % et malgré une visibilité record avec toujours plus de contrats. Les ‘mauvais’ contrats récupérés de Bombardier risquent bien de continuer à peser sur les comptes et rien ne dit qu’Alstom réussira un rapide redressement de ces activités. Encore une fois, l’acquisition est pleine de sens mais Alstom s’est peut-être bien plombé pour plusieurs années avec celle-ci.
Pourquoi Alstom peut rester (très) optimiste malgré les pertes
Malgré ce tableau noir à court terme, il reste bien des raisons d’être optimiste sur le dossier. Le carnet de commandes au 30 juin 2022 atteint 83,4 milliards d’euros et offre une visibilité impressionnante au groupe avec presque dix ans d’activité devant-lui. A plus court terme, ce dynamisme est également bien marqué puisque les prises de commande sur le premier semestre 2022 sont 1,3x supérieures au chiffre d’affaires de la période.
La mobilité ferroviaire, plus responsable, dans un contexte de décarbonation de l’économie va également bénéficier à Alstom sur le long terme. Le ferroviaire pourra compter sur le soutien des gouvernements dans cette démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cette acquisition permet également à Alstom d’émerger comme le vrai numéro 2 de la mobilité ferroviaire alors que le Français était jusque-là au coude à coude avec Siemens. Alstom aura donc une vraie carte à jouer alors que le matériel Chinois suscite encore des réticences quant à sa fiabilité tandis que les grands groupes sous la coupe de Pékin sont de plus en plus regardé avec une certaine méfiance en Amérique comme en Europe, et pas seulement. La Chine est toujours présente quand il s’agit de financer des projets mais elle n’hésite pas à reprendre les choses en main voire à reprendre les choses tout court quand la situation tourne mal. En 2017 par exemple, le Sri Lanka s’est trouvé incapable de rembourser un prêt de 1,4 Mds de Dollars pour la construction d’un port dans le sud du pays. Résultat ? Celui-ci a été ‘récupéré’ et le bail cédé à une entreprise Chinoise pour 99 ans. Le pays étant aujourd’hui en défaut de paiement, cet exemple n’est maintenant qu’un exemple parmi bien d’autres.
Si la situation d’Alstom est dégradée sur le court terme, elle ne remet en rien en cause la stratégie d’Alstom sur le long terme. Les atouts nombreux même si les activités de Bombardier vont peser plus et plus longtemps que prévu. Tentons maintenant un exercice de valorisation pour avoir une idée de la valorisation d’Alstom.
PARTIE 2 : EXERCICE DE VALORISATION
Cet exercice de valorisation se composera de plusieurs parties qui viseront à étudier et noter chaque composante du business. La note finale impactera 3 types de valorisation : Base, croissance et sectorielle, qui ensemble donneront une JUSTE VALORISATION du titre.
SOMMAIRE :
1 Ratios de valorisation
2 Dynamique et bilan
3 Macro
4 Environnement internet et externe
5 Management
6 Catalyseurs & Historique
7 Valorisation sectorielle
RATIOS DE VALORISATION
Les capitaux propres d’Alstom représentent un peu moins de la moitié de sa valorisation. Son PER, que ce soit au titre de l’exercice 2021 ou celui attendu pour les exercices 2023 et 2024 est largement supérieur à 15 (pour rappel, l’exercice 2022 a donné un résultat négatif). En se basant sur ces résultats récents ou ceux attendus pour les exercices à venir, Alstom apparait bien mieux valorisé que ses concurrents. De même que par le passé, même si la forte baisse des cours vient nuancer ce constat. Je rajoute également quelques points dans la catégorie MOAT car si Alstom ne dispose pas forcément d’un MOAT à proprement parler, le groupe dispose d’un savoir faire reconnu dans un marché ou le nombre d’acteurs tend à se réduire.
DYNAMIQUE ET BILAN
L’acquisition de Bombardier à pratiquement permis à Alstom de doubler sa taille. Forcément, la progression du chiffre d’affaires est excellente. Le résultat net est lui passé en négatif pour la première fois depuis longtemps.
La croissance devrait être au rendez-vous pour l’exercice 2023 alors que le résultat devrait repasser en positif bien que faible et donc largement inférieur à ceux publiés avant l’acquisition de Bombardier.
Les perspectives de croissance à moyen terme sont très bonnes alors que la mobilité ferroviaire apparait comme de plus en plus incontournable dans une volonté d’accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les capitaux propres sont largement inférieurs aux dettes et ces dernières très raisonnables par rapport au CA. La visibilité est quasiment sans aucune mesure sur la cote avec au moins 5 ans d’activité dans le carnet de commande et des prises de commande qui progressent plus vite que le chiffre d’affaires.
MACRO
La dégradation des conditions macro-économiques ne pénalise pas pour l’instant la dynamique commerciale d’Alstom. Si récession il y-a, le ralentissement pourrait malgré tout peser. L’inflation, elle, est plus problématique, surtout sur les activités récupérées de Bombardier, moins rentables voire carrément déficitaires pour certains contrats. Ces activités ayant déjà révélé leur lot de mauvaises surprises, une inflation qui reste élevée augmentera encore le casse-tête d’Alstom.
ENVIRONNEMENT INTERNE ET EXTERNE
Pas d’achat ou de vente notable des dirigeants récemment sur le titre. Le PDG a réaffirmé en mai 2022 lors d’une interview qu’il excluait toute augmentation de capital, les prévisions étant jusque-là cohérentes avec la trajectoire du groupe. Pas de risque pour l’instant donc, mais c’est à mon sens parier un peu vite sur une intégration rapide et réussie des activités de Bombardier. Si celles-ci venaient à peser davantage sur les résultats, il n’est pas exclu que la perspective revienne sur la table le cas échéant. Enfin Alstom est une cible privilégiée des vendeurs à découvert qui recommencent depuis le printemps à shorter massivement le titre : au 20/5, 1.59% du capital était short. Ce pourcentage atteint désormais 5.32% et ne fait qu’augmenter.
MANAGEMENT
L’acquisition de Bombardier a été bien accueillie par le marché. La cohérence de la stratégie déployée par le management saluée par les actionnaires. Celui-ci reste relativement imperméable aux critiques malgré la dégringolade du cours de bourse depuis fin 2020.
CATALYSEURS + HISTORIQUE
L’acquisition de Bombardier a révélé son lot de mauvaises surprises et les résultats de l’exercice 2022 ont plongé. Les objectifs ont dernièrement été confirmés. La chute boursière sur les deux dernières années est en revanche très rude, avec un cours à -60% et quasiment divisé par 3 sur ses plus bas de l’année.
NOTE FINALE
VALORISATION SECTORIELLE
Les valorisations des concurrents cotés d’Alstom divergent assez largement. Siemens, dont les activités de mobilité ne représentent qu’une petite partie de l’activité se paye sur une base de 1.17x son chiffre d’affaires. Même configuration pour Hitachi qui dispose d’activités diversifiées, mais ce ratio tombe à 0.69x le CA. On trouve toutefois en Europe de plus petits concurrents pour Alstom spécialisés uniquement dans la mobilité ferroviaire : le Suisse Stadler Rail et l’Espagnol CAF. La capitalisation du Suisse est de 2900 ME pour un CA de 3800 ME soit un ratio de 0.75x le CA. Pour l’Espagnol, le CA est de 3180 ME alors que la capitalisation approche simplement le Milliard, soit un ratio de 0.32x le CA. Les multiples divergent donc assez largement. Un multiple de 0.6x le chiffre d’affaires semble adéquat. Sur cette base, la valorisation sectorielle ressort à 31.81€ par action.
JUSTE VALORISATION
A l’issue de ce travail de valorisation intégrant la dynamique du groupe, sa santé financière, ses perspectives de croissance et l’étude de ses comparables ; le calcul fait ressortir une juste valorisation du titre à 25.84€. Soit un potentiel de 25% au cours actuel.
CONCLUSION
Alstom dispose de beaux atouts, c’est indéniable :
Alstom dispose d’un carnet de commande records (et qui ne cesse d’augmenter). Peu d’entreprise ont ce luxe d’avoir une telle visibilité et une telle confiance dans leur activité. Alstom a aussi l’avantage d’opérer dans un secteur incontournable à l’heure où les véhicules individuels et le transport aérien sont pointés du doigt. L’acquisition de Bombardier lui donne également les moyens de ses ambitions. A long terme, tous les feux sont donc au vert pour Alstom.
A court terme en revanche, le tableau est moins reluisant : L’acquisition de Bombardier sera à mon avis plus longue et compliquée que prévue, surtout dans un contexte fortement inflationniste. De plus, les projections de résultats des analystes ne laissent pas non plus entrevoir un gros potentiel sur le titre avec un PER toujours supérieur à 15 pour 2024 …
Ces éléments m’incitent à rester à l’écart du titre encore un certain temps.
OPINION > A l’ECART
Rappel : Ce travail n’est en aucun cas un conseil en investissement. Il vise simplement à produire une analyse d’une société cotée et tente de valoriser celle-ci au vu des éléments analysés.
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