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Pernod Ricard & Rémy Cointreau : les fabricants d’alcool ne font plus recette

Dernière mise à jour : 13 juil.

J'ai récemment eu l'occasion de préparer un papier pour la newsletter Finneko auquel je ne peux que vous recommender de vous abonner. Voici un résumé de ce papier.


Intro

Les fabricants d’alcool ne font plus recette, le constat est implacable. Portées par une dynamique remarquable post-covid, Pernod Ricard et Rémy Cointreau subissent l’effet inverse depuis.

Leurs chutes sont impressionnantes : -42% pour Pernod Ricard et même -64% pour Rémy Cointreau. Il faut remonter à la grande crise de 2008 pour trouver trace d’une pareille correction, et ce n’est arrivé qu’une fois pour ces deux entreprises cotées depuis 30 ans. Même lors du krach covid en mars 2020 les corrections n’avaient pas été aussi importantes.

Alors comment expliquer une baisse aussi importante sur ces entreprises de qualité ? Leur valorisation est-elle devenue suffisamment attractive pour envisager d’y revenir ? Tentons d’y voir un peu plus clair.

 

Une purge avant tout sectorielle

Revenons d’abord sur quelques éléments de contexte. Sur Pernod Ricard, cette chute s’est amorcée en mai 2023 ou l’action touchait des plus hauts historiques. Sur Rémy Cointreau, la dégringolade boursière couve depuis début 2022. Deux ans et demi de ce qui semble une interminable correction sur une action pourtant très appréciée par les gérants.


Il faut tout d’abord voir un phénomène sectoriel. Campari -34%, Diageo -39% (Smirnoff, Johnnie Walker, Guinness) ou Brown Forman -47% (Jack Daniels) subissent de violentes baisses également. Le fabriquant de Jack Daniels aux US est comme Rémy Cointreau, descendu sous ses cours de bourse de mars 2020.


A noter que le phénomène est beaucoup plus violent sur les spiritueux que sur la bière. Malgré des baisses importantes de volumes de bière en 2023 liées à des hausses de prix trop poussées, Heineken n’est qu’à -15% sur ses plus hauts. De même, ABinBev, le plus gros brasseur mondial est également à -15% de ses plus hauts post-covid malgré un scandale dévastateur aux USA avec Bud Light qui lui a fait perdre une part de marché dominante sur son marché le plus profitable. La meilleure résilience des brasseurs s’explique par deux éléments : la bière est moins sujette aux phénomènes de stockage et les brasseurs sont globalement moins dépendants de certains pays clés.

 

Pénalisés par leur dépendance aux USA et à la Chine

Les baisses sur Rémy Cointreau et Pernod Ricard n’ont pas commencé au même moment et ne sont pas tout à fait imputables aux mêmes phénomènes. Pernod Ricard paye surtout un environnement de consommation normalisé et devenu faiblard post covid. Sur Rémy Cointreau, c’est un phénomène de déstockage interminable principalement aux USA qui est à blâmer. Il y a cependant un ou plutôt des dénominateurs communs entre les deux, à savoir la Chine et les Etats-Unis. Rémy Cointreau comme Pernod Ricard sont fortement exposés à ces deux pays en particulier. Sur Pernod Ricard, ils représentent à eux deux 30% du CA (US =19% ; Chine =11%). Sur Rémy Cointreau, il est plus difficile d’avoir le détail mais les zones Amériques + Asie font 83% du chiffre d’affaires. On peut donc estimer le poids de ces deux pays au minimum à 40% voire plutôt 50%.


Aux USA, les distributeurs pris de cours par le covid avaient massivement stocké sur fond d’une consommation plus dynamique. Le phénomène a commencé à s’inverser début 2022 et perdure depuis. Longtemps le marché a joué la reprise sur Rémy Cointreau, achetant des publications de résultats pourtant médiocres. Mais après deux ans et demi de baisse, il semble avoir désormais complètement capitulé sur la valeur, malgré du mieux en Chine et un rebond des ventes supérieur à 5% attendu sur l’exercice. Ce phénomène de déstockage US a également affecté Pernod Ricard mais dans une moindre mesure.


En Chine, le marché n’est jamais vraiment reparti après des mois d’interminables confinements. En plus d’un environnement de consommation toujours médiocre, la Chine pose d’autres problèmes à ces deux groupes aujourd’hui. Ils sont les victimes collatérales d’un bras de fer engagé entre l’UE et la Chine sur les voitures électriques.


L’empire du milieu veut en effet inonder l’Europe de ses véhicules électriques pas cher. Une bombe à retardement pour des constructeurs Européens incapables de pouvoir rivaliser, Pékin soutenant ses groupes automobiles en épongeant les pertes de ceux-ci. L’Europe envisage sérieusement des mesures afin de lourdement taxer les importations Chinoises afin de rééquilibrer une concurrence considérée comme déloyale et dangereuse pour l’industrie Européenne. Si Pékin ne peut décider des lois Européennes en termes de tarifs douaniers, la Chine peut tout à fait envisager des représailles. Et les premières victimes Européennes de ces représailles seraient les spiritueux de Pernod Ricard et Rémy Cointreau.


Si rien n’est officiellement décidé, c’est une chape de plomb qui pèse indubitablement sur nos deux groupes Français, largement exposés à ce marché et qui explique à la fois un newsflow négatif et la frilosité des investisseurs à revenir dessus. Et pourtant ces deux groupes ne manquent pas d’atouts.

Parlons justement de ces atouts dont disposent ces deux groupes.


Quid de la valorisation ?

D’abord, un rapide coup d’œil sur quelques ratios assez communément utilisés nous montre que ces deux groupes sont assez largement décotés par rapport à leur historique. En termes de Valeur d’entreprise/Ebitda, les deux groupes sont sur des valeurs historiquement basses, inédites depuis plus de 10 ans dans les deux cas. Pour ce qui est du PER, là aussi, la décote est importante, de l’ordre de 30% en dessous des valeurs moyennes observées.


Si les deux groupes ont en commun une décote rarement observée, ils sont deux profils très différents. D’abord leur taille : Pernod Ricard est beaucoup plus gros avec un CA de 11.6 Milliards vs 1.1 Milliard pour Rémy Cointreau.


Pernod est beaucoup plus diversifié, plus résilient (moins cyclique) avec un portefeuille de marque ultra diversifié et évolutif. Le groupe n’hésites pas à acquérir de nouvelles marques ou à en céder selon ses orientations stratégiques.

-        Points + : Très rentable, forte génération de cash, décotée par rapport à ses multiples LT

-        Points - : Endettement assez important (2.8x l’Ebitda), faible capacité à développer la marge d’Ebitda sur le LT  


Rémy Cointreau est beaucoup plus mono-produit, dépendant à 71% du cognac. Son activité est aussi beaucoup plus cyclique et dépendante des cycles de stockages et déstockages. Elle a aussi une particularité qui explique une valorisation historiquement élevée, c’est ses stocks stratégiques d’eau de vie. Ces stocks sont inscrits à hauteur de 1.6 Milliard au bilan de l’entreprise (à rapporter à une capitalisation de 4 milliards). Ces 1.6 milliards de valeur faciale ne constituent pas la valeur réelle de ces stocks en cours de vieillissement. Le cabinet TP Icap les valorisait en 2023 à 85.8€ par actions (pas la valeur de l’entreprise, seulement ces stocks stratégiques). Une valeur à prendre avec des pincettes mais plus élevée que le cours de bourse actuel. A noter également que l’actionnaire majoritaire rachète assez agressivement des titres sur le marché (60 millions € en 2023 ; 50 millions € sur 2024).

-        Points + : Marge d’Ebitda très élevée (environ 30%), très rentable et largement décotée, stocks stratégiques d’eau de vie,

-        Points - : Génération de cash très variable, activité très cyclique (pic CA 2013 seulement dépassé en 2022)

 

Exercice de valorisation à retrouver pour chacune de ces deux entités :


Conclusion

Dans un marché compliqué et encore plus mouvementé dernièrement en France, Pernod Ricard et Rémy Cointreau capitulent presque dans l’indifférence générale. Pénalisés par leurs marchés clés, ces deux groupes subissent également un marché momentum qui leur est défavorable et une chape de plomb que serait les représailles Chinoises.


Malgré des ratios de valorisation historiquement bas depuis 10 ans, les investisseurs refusent de revenir sur ces deux dossiers pourtant qualitatifs. La valorisation et les niveaux de prix actuels proches ou en dessous du krach de mars 2020 rend ce choix pour le moins discutable.

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