LDLC c’est une belle histoire entrepreneuriale à la Française. Le groupe a pleinement bénéficié du boom e-commerce lié à la pandémie avec une des progressions les plus spectaculaires de la cote : De ses plus bas à 5.6€ le 16 mars 2020, le cours grimpe jusqu’à 71.30€ en juillet 2021, soit une multiplication par 13 ! Mais comme pour beaucoup d’acteurs du secteur, le retour à la normale est rude. A travers cette analyse, essayons de voir comment le groupe s’est développé et d’y voir un peu plus clair dans sa stratégie actuelle. Nous tenterons dans un deuxième temps un exercice de valorisation du groupe.
HISTORIQUE
L’histoire de LDLC commence en 1997 avec un jeune diplômé. Laurent de la Clergerie gagne le premier prix de La Chasse aux Trésors du magazine Paris Match et les 100 000 Francs qui vont avec. Ces gains viennent supporter sa toute jeune entreprise LDLC.com et permettent d’ouvrir une première boutique showroom à Lyon.
Le site internet obtient rapidement un certain succès : 50 000 visites dès 1999 (pas si mal pour l’époque). Et Laurent de la Clergerie (alias LDLC) ne compte pas perdre de temps : En 2000, la société s’introduit en bourse. Elle réussit à être bénéficiaire dès l’année suivante en plein marasme et dégonflement de la bulle internet. Elle prend par la suite plusieurs participations dans d’autres sociétés (GameAmp, Gamekult).
A partir de 2012, l’enseigne choisit d’axer son développement sur un modèle de franchise. La première ouvrira l’année suivante. Elle prévoit 40 points de vente d’ici 2017/2018. Dans le même temps, LDLC se lance dans une stratégie d’acquisition pour continuer à grandir et surtout diversifier son offre.
En 2015, LDLC mets la main sur un concurrent historique Materiel.net pour 39 ME (22 ME et l’émission de nouvelles actions). Une stratégie que LDLC n’est pas seul à mener :
L’annonce arrive juste après celle de l’offre de Fnac sur Darty et juste avant celle de l’achat de Rue du Commerce par Carrefour. LDLC grossit considérablement avec cette opération : Le CA de Materiel.net était de 150.5 ME en 2014. En 2017, c’est Olys, distributeur de matériel Apple qui est racheté (40 ME de CA en 2016).
Cette politique d’acquisition ambitieuse pèse toutefois à court terme. Les résultats 2018 et 2019 déçoivent considérablement. Le cours de bourse s’en ressent : Il passe de 37€ fin 2016 à 5.50€ en 2019. Car ces résultats sont très inférieurs aux attentes : 2019 est même déficitaire avec une perte de 4.2 millions. Ils reflètent le poids financier des acquisitions menées par le Groupe pour renforcer sa place sur le marché High-Tech et se doter de nouveaux moteurs de croissance pour la suite.
Malgré ces déceptions, LDLC persiste dans sa stratégie et s’offre la plateforme Top Achat en avril 2020 (encore 90 ME qui s’ajoutent au CA de LDLC). Le groupe parachève ainsi son orientation vers une stratégie multimarque autour de LDLC.
Et la stratégie porte ses fruits, et elle coïncide avec le boom e-commerce provoqué par la pandémie : Le redressement arrive dès 2020 et sera encore plus spectaculaire en 2021.
LE MODELE
L’enseigne a depuis ses débuts basé son modèle combinant deux canaux de distribution complémentaires : boutiques physiques et site internet. Le client dispose des mêmes prix que ce soit en magasin ou sur le site internet. Elle se différencie par une gamme étoffée, son expertise et sa gestion de la relation client.
Pour se développer et grandir, LDLC a axé son développement sur deux points :
Comme évoqué plus haut, le groupe a basé sa stratégie sur un modèle franchisé initié en 2012. Il met ses outils à disposition des franchisés (marketing, communication, structures logistiques etc.) offrant également toute la visibilité tirée du site internet.
Deuxièmement, le groupe a choisi une stratégie multimarque pour venir compléter ses produits estampillés LDLC. Celle-ci a commencée avec l’acquisition de Materiel.net et s’est parachevée avec l’achat de Top Achat en avril 2020 : « Cela nous permet d’avoir des offres variées. Materiel.Net est positionné sur un catalogue plus pointu, LDLC a un catalogue plus large et Top Achat nous permettrait d’avoir une troisième identité avec un placement tarifaire encore différent. L’ensemble de ces trois marques couvre un large spectre de clientèles, donc c’est intéressant d’un point de vue stratégique. » Cette stratégie semble à l’heure actuelle terminée « On ne va pas forcément aller chercher des dossiers. » Le groupe restera toutefois à l’affut « Si quelque chose se présente à nous on va y jeter un œil. »
On a donc vu que LDLC a accéléré son développement ces dernières années via son modèle franchisé et grâce à des opérations de croissance externe. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelle est la stratégie du groupe ?
LDLC EN 2022 : LA VISIBILITE A TOUT PRIX
Si le groupe a généré un CA de plus de 700 ME en 2021, il reste toutefois un petit acteur sur le marché comparé aux mastodontes du secteur : Fnac Darty et ses 8042 ME de CA en 2021 ; Cdiscount avec 2200 ME de CA en 2020, ou encore Amazon. LDLC veut donc continuer à grandir et surtout renforcer sa notoriété en continuant à développer l’enseigne pour vraiment faire sa place dans la cour des grands. Et on va le voir, le groupe mets le paquet pour y parvenir, en démultipliant les actions.
LDLC continue d’abord son développement à l’international : le site LDLC sera prochainement décliné dans plusieurs langues, avec une version Anglaise (populations non-francophones et à destination du nord de l’Europe) et une version Italienne qui viennent s’ajouter à une version Espagnole. Le groupe veut s’internationaliser en espérant rencontrer plus de succès que lors de l’implantation de boutiques physiques en Espagne, opération qui avait tourné au fiasco.
Dans sa quête de notoriété, LDLC a aussi lancé sa première campagne nationale de publicité à la télévision. Celle-ci a commencé le 30 mai pour une durée d’un mois. Elle aura été visible plus de 720 fois sur les chaines historiques de la TNT. La cible ? Le grand public : « l’enseigne tente à travers cette campagne d’élargir sa cible auprès d’un public moins familier des nouvelles technologies ». Dans la même idée, le PDG du groupe a participé à l’émission Patron Incognito sur M6 récemment.
Le développement en franchise de l’enseigne (67 franchises fin juin 2022) vient également soutenir cette quête de visibilité : Le groupe opère un maillage territorial : LDLC s’implante un peu partout en France. Petit à petit, les boutiques fleurissent et LDLC fait désormais partit du paysage au même titre que son concurrents Fnac-Darty.
LDLC choisit également d’utiliser le naming pour implanter son nom dans le paysage : Il conclut un accord de naming avec le club de Basket de Lyon Villeurbanne, équipe la plus titrée du championnat de France. LDLC est désormais le sponsor maillot du club qui devient le LDLC ASVEL pour une durée de 10 ans. L’enseigne est également au cœur du projet de nouvelle salle pour le club.
OL Groupe et LDLC ont ainsi signé un accord pour le naming de la nouvelle salle de Décines qui portera le nom de l’enseigne : "Nous n’avions pas prévu une telle opération, mais lorsque l’OL est venu nous présenter ce projet de naming, j’ai trouvé que la démarche avait du sens, par rapport à ce que LDLC prône en termes de développement responsable et de technologie liés au monde du sport et du spectacle. » … « A la différence quand même que le montant du naming de l’Arena (non communiqué) est bien moindre que celui du stade".
Dernier point qui a mon sens va dans cette stratégie visant à renforcer la visibilité de LDLC : la semaine de 4 jours. C’est une idée plutôt à contre-courant de la tendance actuelle en France mais un choix qui n’est ni un cadeau ni dénué de sens pour l’entreprise : « L'idée m'est venue en visionnant un documentaire sur une expérience similaire au Japon. L'entreprise Microsoft donnait leur vendredi aux employés. Résultat : une hausse de 40% de la productivité ». Le président du groupe est ainsi convaincu que laisser un jour de congé supplémentaire rends ses employés plus productifs au travail. Le coût est même considéré comme négligeable par le PDG « pour un coût d'un million d'euros. C'est négligeable par rapport au chiffre d'affaires de l'entreprise. » Mis en place en 2021, ce changement encore très minoritaire en France. Loin de moi l’idée de dire que LDLC l’a fait à des fins de publicité mais force est de constater que cela a propulsé LDLC sur le devant de la scène avec des retombées presse un peu partout. Mieux encore, en pionnier de la semaine des 4 jours en France, LDLC restera souvent associé à cette démarche à mesure que celle-ci se démocratisera dans les années à venir. Un très bon coup de pub donc pour LDLC, à moindre coût, qui bénéficie aux salariés et renvoie une belle image du groupe. Une combinaison parfaite en somme.
Cette quête de visibilité cherche donc d’une part à établir LDLC sur le plan national auprès du grand public après avoir atteint une taille suffisante. Elle sert sans doute également un autre objectif : celui de garantir des revenus plus stables au groupe. LDLC vient en effet d’annoncer un chiffre d’affaires de 126 ME au titre du premier trimestre 2022. On est loin des 163.7 ME du T1 de l’année passée ou des 149.1 ME du T1 2020. Les revenus manquent clairement de stabilité. L’enseigne avait averti en février, constatant un décrochage de son activité et anticipant un premier semestre compliqué. LDLC tente de rassurer, anticipant un retour de la croissance pour le deuxième semestre mais les chiffres n’en demeurent pas moins inquiétants à court terme.
Malgré ces mauvais chiffres, LDLC a perdu près de 60% de sa valeur depuis ses plus hauts de l’année passée (de 71.30€ à 27.45€). La capitalisation du groupe est tombée à 169 ME, soit à peine 5 x son bénéfice de l’année écoulée (36.1 ME). Tentons maintenant de voir dans une étude de la valorisation du groupe si celle-ci est justifiée.
RATIOS DE VALORISATION
Les ratios de LDLC sont globalement bons. Les capitaux propres représentent 60% de la capitalisation boursière. Le PER est très bas (le titre se paye à peine 5x les bénéfices de l’année passée. Même si ces bénéfices seront en baisse pour l’exercice en cours, le PER restera très probablement en dessous de 10. Le titre est globalement bon marché comparé aux autres acteurs du secteur. Le titre est également moins valorisé qu’il ne l’était dans le passé (hormis en 2019 où le cours de bourse s’était effondré). Bien qu’elle soit erratique, le groupe délivre une croissance plutôt solide. J’aurais donc tendance à le classer entre un titre value et un GARP (Growth at Reasonable Price > Un titre de croissance à prix raisonnable).
Ø Bon score pour LDLC dans cette première catégorie avec un score positif dans toutes les catégories.
DYNAMIQUE ET BILAN
Comme évoqué plus haut, LDLC parvient à délivrer de la croissance grâce à un secteur structurellement porteur mais celle-ci est très erratique. Le graphique ci-contre le montre bien : la courbe monte bien sur le long terme mais elle avance de deux pas pour reculer d’un et ainsi de suite. Le boom du e-commerce lors de la pandémie a considérablement gonflé les résultats en 2020 et début 2021. LDLC paye aujourd’hui comme tous les autres acteurs de la vente en ligne un gros contrecoup.
En conséquence logique les résultats de l’exercice passé ont été décevants : chiffre d’affaires et résultat net en baisse. L’exercice de l’année en cours marquera un retour encore plus brutal à la normale dans un contexte perturbé : il est attendu dans une baisse plus prononcée. Les perspectives de croissance à 5 ans restent malgré tout très bonnes dans un secteur structurellement porteur : La vente en ligne n’est pas près de s’essouffler. C’est un méga-trend, une tendance de fond dont LDLC bénéficie en partie. Le groupe est sain, avec un endettement très faible. La visibilité elle, est toujours très restreinte à l’heure actuelle.
Ø LDLC est clairement pénalisé par ses résultats dans cette catégorie. Les perspectives de croissance solides du secteur et son bilan sain lui permettent toutefois de garder un score positif.
MACRO
Le groupe souffre dans un environnement ou la consommation ralentit depuis plusieurs mois déjà. Les pénuries de composants informatiques affectent LDLC depuis début 2021. Les marges sectorielles n’étant pas très hautes, il y-a fort à parier que la rentabilité du groupe en souffre.
Ø Le score très négatif dans cette catégorie reflète bien les diverses problématiques rencontrées par le groupe : des pénuries qui continuent de perturber son activité, une consommation qui ralentit et une inflation qui compromets ses marges. Un cocktail très défavorable donc.
ENVIRONNEMENT INTERNE ET EXTERNE
Les dirigeants de LDLC ont été activement à l’achat dans la descente des cours : plus de 20 000 actions ont été achetées sur le marché entre décembre 2021 et mars 2022, principalement entre 40 et 50€ par action, soit pour près d’un million d’euros. Inactifs depuis mars (aucun achat depuis cette date), on peut se demander si les dirigeants n’ont pas gaspillé leurs cartouches un peu trop tôt. Pourquoi ne continueraient-ils pas leur rachat d’actions sur le marché sinon ? Surtout avec un cours 40% inférieur à leur prix d’achat moyen autour de 45€. La société a d’ailleurs précisé lors de ses résultats annuels avoir annulé 150 330 actions acquises dans le cadre du programme de rachat d’actions.
Un fonds est actuellement short sur LDLC, alors que la société avait précédemment été la cible d’un autre fonds pendant plusieurs mois.
Ø Score nul ici pour LDLC, ce qui est tout à fait positif sur cette catégorie.
MANAGEMENT
LDLC est une entreprise familiale dirigée depuis ses débuts par son fondateur. La gouvernance est donc très stable. On peut toutefois reprocher au management un certain manque de clairvoyance face à une conjoncture plus défavorable qu’anticipée et dans son rachat d’action. La société a probablement tardé à communiquer pour avertir sur ses résultats (ce qu’elle a finalement fait en février).
Ø Score correct ici qui reflète une entreprise stable, bien gérée malgré quelques petites erreurs récentes.
CATALYSEURS + HISTORIQUE
La société a communiqué un profit warning en février. Sa publication du premier trimestre à de nouveau déçu. Pour ce qui est de l’historique des cours, LDLC a globalement crée de la valeur pour ses actionnaires de long terme, malgré une évolution de son cours très erratique.
Ø LDLC perds beaucoup de points à cause de son profit warning et ne parvint pas à se classer dans le positif.
NOTE FINALE
VALORISATION SECTORIELLE
Difficile de trouver un comparable pour LDLC sur le marché Français. Fnac Darty pour son modèle hybride entre vente magasin et site internet s’en rapproche, mais le groupe est moins spécialisé high-tech que ne l’est LDLC. D’autres acteurs sont uniquement présents sur le segment de la vente en ligne sans toutefois être des acteurs high-tech (SRP, vente unique, Spartoo). Il y a également Cnova (Cdiscount, enseigne du groupe Casino). Fnac-Darty ne s’échange qu’à 0.14 x son chiffre d’affaires au cours actuel. Pour les autres acteurs cités par la suite, le ratio monte autour de 0.20 x le chiffre d’affaires. Pour Cnova ou les Zalando, on se rapproche davantage de 0.80 x le CA. Dans une approche assez prudente, nous prendrons une base de 0.20 x le CA ce qui donnerait une valorisation sectorielle de 25.72€ par titre.
JUSTE VALORISATION
A l’issue de ce travail de valorisation intégrant la dynamique du groupe, sa santé financière, ses perspectives de croissance et l’étude de ses comparables; le calcul fait ressortir une juste valorisation du titre à 36.58€. Soit un potentiel de 33.2% au cours actuel.
CONCLUSION
Après un parcours absolument remarquable en 2020/21, LDLC tangue depuis maintenant plus d’un an, et abandonne 62% depuis ses plus hauts à 71.30€. Le boom du e-commerce lié à la pandémie est bien terminé. La faute aux pénuries, qui ralentissent le groupe depuis plus d’un an ; à un contexte macro-économique qui pèse sur la consommation et à une inflation qui vient rogner les marges. Les dernières publications ne sont malheureusement pas en mesure de rassurer les investisseurs. Pourtant LDLC a des atouts : un bilan très sain et un secteur structurellement porteur et en croissance.
Dans le même temps, nous l’avons vu précédemment, l’enseigne fait beaucoup pour renforcer sa notoriété maintenant que le groupe a atteint une certaine taille sur le marché national. Toutes ces actions (ouvertures franchises partout en France, naming, spot tv national) vont dans le même sens : faire mieux connaître LDLC auprès du grand public au niveau national. LDLC souhaite ainsi continuer son développement pour pleinement rivaliser avec les grands du secteur (Fnac-Darty, Cdiscount …). Avec une capitalisation à peine à 5 x les bénéfices 2021, il semble y avoir peu de risque à ce prix. Attention toutefois, le groupe devra toutefois montrer sa capacité à retrouver le chemin de la croissance car les chiffres publiés ont inquiété (celle-ci est attendue de retour au S2). Les plus prudents pourront donc attendre cette confirmation.
OPINION > ACHAT
Rappel : Ce travail n’est en aucun cas un conseil en investissement. Il vise simplement à produire une analyse d’une société cotée et tente de valoriser celle-ci au vu des éléments analysés.
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