Intéressons-nous aujourd’hui à Renault. Le groupe Français a traversé une période extrêmement chahutée entre l’éviction de Carlos Ghosn et les difficultés financières qui l’ont fait plonger dans le rouge avec pas moins de 8 Milliards de pertes en 2020. Le cours de bourse a bien suivi et cristallisé cette déroute sur le titre en étant divisé par 10 en moins de 2 ans : de 100€ début Avril 2018 à 12.9€ fin mars 2020 après le Krach éclair des marchés. Pour comprendre cette énorme chute, il faut remonter bien avant, et prendre cette histoire sous l’angle de l’alliance avec Nissan en reprenant un certain nombre d’éléments.
Cette alliance refait d’ailleurs parler d’elle aujourd’hui en revenant au centre des discussions. On aurait pu croire que l’affaire Carlos Ghosn aurait pu sceller son sort, pourtant il n’en est rien. En parallèle de sa restructuration réussie et presque entièrement calquée sur le modèle de Stellantis, Renault a plus que jamais besoin de Nissan …
I - Le début de l’alliance
L’alliance entre Renault et Nissan, c’est d’abord une alliance de circonstance en 1999.
En effet, Nissan Motor est en grande difficulté à l’aube du XXIème siècle. Le groupe Nippon s’était lourdement endetté en tentant de rattraper le numéro 1 de toujours au Japon, Toyota. Nissan cherche alors un allié pour survivre.
L'allemand DaimlerChrysler courtise Nissan mais le groupe Nippon choisi finalement Renault : l'accord est signé le 27 mars 1999 entre les PDG Louis Schweitzer et Yoshikazu Hanawa. Le nouveau groupe devient un acteur d’envergure en se classant 4eme groupe mondial en termes de ventes de voitures.
Coté Nissan, l’aide est immédiate puisque Renault entre donc au capital en prenant 36,8% de Nissan. Le groupe Français décide un investissement de 5 Milliards d’euros pour restructurer son nouvel allié.
Ce redressement, c’est le numéro 2 de Renault qui va l’opérer : un certain Carlos Ghosn.
Un peu mieux financièrement, Nissan prend en 2002 une part de 15% dans le capital de Renault. Les deux constructeurs créent également une structure de pilotage pour leur alliance aux Pays-Bas.
Les ventes dynamiques du constructeur Japonais lui permettent en 2003 de devenir la deuxième capitalisation automobile mondiale. Après le succès du redressement de Nissan, Carlos Ghosn prend la tête des deux groupes en 2005, avec des ambitions toujours très fortes.
Si en 2006, l’idée d’un rapprochement avec General Motors échoue, Renault-Nissan noue un partenariat avec l’Allemand Daimler. Deux ans plus tard en 2012, l’alliance prend le contrôle du constructeur Russe Avtovaz, le fabriquant des fameuses Lada. L’émergence et le dynamisme de ce marché sont remarquables. Celui-ci sera même le deuxième marché pour Renault en 2022 avant son départ précipité de Russie.
Pendant de longue années, l’alliance entre Renault et Nissan est une franche réussite. Avec l’aide de Renault et sous la houlette de Carlos Ghosn, le redressement de Nissan est réussi. L’alliance prospère ensuite, se développe et continue à grandir à l’international. Pendant presque seize ans, jusqu’en 2015, tout va relativement bien entre les deux entités. La suite en revanche est beaucoup plus mouvementée, presque digne d’un film hollywoodien. Et la mèche est allumée par un certain Emmanuel Macron.
II – Macron mets le feu aux poudres
En apparence tout va bien : l’alliance continue de s’étendre, en s’élargissant au Japonais Mitsubishi Motors (dont Nissan prend 34% du capital).
Elle devient même numéro un mondial avec plus de 10.6 millions de véhicules vendus dans le monde (avec des chiffres très proches de Volkswagen toutefois).
Dans les coulisses, le refrain est bien différent. Le nouveau ministre de l’économie Français Emmanuel Macron décide de renforcer le contrôle de l’état Français sur Renault en 2015. Or la mesure va déstabiliser l’équilibre déjà précaire de l’alliance. La participation de l’état Français monte à 20% mais le gouvernement réussit à faire passer une mesure qui double ses droits de vote. Ceux-ci montent donc à 40%. Dans le même temps, Nissan, qui détient 15% de Renault n’en a aucun …
Le déséquilibre de l’alliance devient d’autant plus problématique que Nissan vend plus de 2x plus de véhicules que Renault.
Carlos Ghosn et Nissan tentent de s’opposer à cette nouvelle donne voulue par l’état Français qui veut s’octroyer le double des droits de vote. Mais l’affaire est déjà entendue. En fait, elle ne fait que commencer.
Cette affaire provoque d’emblée une mini-crise diplomatique. Les Japonais demandent des gages à l’état. Plusieurs hauts-fonctionnaires doivent même se rendre au Japon pour tenter de calmer le jeu. « Macron n’a pas vu que si Nissan se braquait, c’était parce que sa fierté était en train de se réveiller. »
Ce qui se passe en toile de fond, c’est que le redressement de Nissan, initié avec le début de l’alliance a complétement porté ses fruits. Les performances de Nissan sont spectaculaires et Renault pourrait voir son poids baisser à mesure que les bonnes performances du Japonais se poursuivent. L’état veut s’impliquer et peser davantage. Mais il choisit bien mal son moment.
Cet accroc tombe en effet très mal au vu du contexte géopolitique : « Le patriotisme économique n’est pas nouveau au Japon. Il est profondément ancré dans la façon dont le pays a construit sa puissance industrielle. Or, depuis l’élection en 2012 du premier ministre Shinzō Abe, le Japon est traversé comme d’autres pays par des forces souverainistes. Le projet d’intégration de Renault-Nissan s’intégrait difficilement dans cette perspective. Il était même inacceptable pour certains ».
Nissan est en colère et n’en restera pas là. Le groupe Nippon fait d’abord part très diplomatiquement de ses désaccords. "L'Etat français a désormais un poids plus important, du point de vue de Renault c'est un problème important et pour nous, Nissan, c'est un motif d'inquiétude". Des inquiétudes réitérées plusieurs reprises : "Nous avons déjà fait part de nos inquiétudes directement à l'Etat français, ainsi qu'au gouvernement japonais qui comprend notre position. ». Nissan et Carlos Ghosn font pour l’heure case commune.
Un nouvel accord de gouvernance est signé dans les mois suivants. Mais la relation de confiance est bien rompue. La fusion entre les deux entités plane au-dessus de cette affaire et Nissan l’a bien compris.
Une idée de fusion qui inquiète de plus en plus Nissan, qui de son côté, réfléchit à des moyens de réaffirmer clairement son identité et ne plus se laisser dominer par Renault.
Alliés de circonstance face à l’intervention de l’état Français en 2015, Carlos Ghosn et Nissan voient leurs visions diverger irrémédiablement. « Le projet de Ghosn était de faire de l’alliance Renault-Nissan une entreprise totalement globalisée ». Cette vision globalisée de Carlos Ghosn devient un problème dont Nissan devra s’occuper. Et par la même occasion envoyer un message très clair que l’équilibre actuel de l’alliance n'est plus soutenable.
III - Le scalp de Carlos Ghosn : La réponse sanglante de Nissan
« Depuis son accession à la tête du consortium en 1999, le rêve de Ghosn a toujours été de créer un holding qui aurait piloté des entreprises en France, au Japon et peut-être même un jour aux États-Unis. En 2006, il avait caressé l’idée d’y associer GM et en, 2018, Chrysler. Il souhaitait pousser l’intégration plus avant. »
Cette vision devient de moins en moins soutenable au vu des éléments évoqués précédemment :
- Le réveil progressif du patriotisme économisme Japonais à partir des années 2010
- Le déséquilibre de l’alliance, où Nissan est en position de dominé alors que ses ventes sont 2x plus importantes que celles de Renault dans le monde
L’intervention de l’état Français via son ministre de l’économie Emmanuel Macron mets le feu aux poudres à un cocktail déjà explosif.
Dans le même temps, Carlos Ghosn persiste dans sa volonté d’aller vers une fusion. Il ne se rends pas compte qu’il n’a plus aucun soutient : Pour Nissan, il devient un problème dont il faut s’occuper à cause de son désir de fusion, tandis que l’état Français et ses représentants ont été ignorés et laissés de côté.
« Ghosn n’a pas imaginé une seconde qu’une telle trahison puisse se produire. Il y a plus qu’une coïncidence entre cette arrestation et la volonté de Nissan d’éviter une intégration supplémentaire. Or, c’était bien là le projet de Carlos Ghosn, qui était poussé par l’État français. »
Il est pourtant bel et bien arrêté le 19 novembre 2019 « Il avait prévu de dîner dans son restaurant de sushis préféré avec l’une de ses filles et de présider un conseil d’administration le lendemain. Mais il a été arrêté avant même de pouvoir quitter l’aéroport. »
Le monde est surpris mais un groupe de personnes au sein de Nissan ne l’est pas. Un groupe au sein de l’entreprise collabore en effet depuis presque un an avec les autorités judiciaires pour monter un dossier et débarquer Carlos Ghosn avec violence. L’opération tenue secrète a parfaitement fonctionnée : « Nom de code «Charcoal» (charbon). Hypothèse de travail: il existe des preuves de violation des lois ou du code de conduite de l’entreprise. Objectif: débarquer «Charcoal».
Pour les proches de Carlos Ghosn, « Il semblait incroyable qu’un homme qui dirigeait un tel empire depuis si longtemps et jusque dans ses moindres détails puisse ne pas avoir eu vent d’un complot aussi énorme. » et pourtant, c’est bien le cas.
Carlos Ghosn est amer et se rends compte à ce moment qu’il est lâché de tous les côtés « Cela arrangeait tout le monde de me laisser tomber et de nommer quelqu’un de beaucoup plus malléable. »
« Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, qui était venu visiter des tas d’usines avec moi, qui s’était battu pour mon renouvellement, est celui qui s’est manifesté de la manière la plus hostile, à ma grande surprise ».
Au final, Carlos Ghosn avait mené de façon rapide et spectaculaire le redressement de Nissan mais sa personnalité et sa vision unilatérale ont progressivement rendu les choses intenables par la suite en semant le mécontentement à la fois en Europe et en Asie. « Carlos Ghosn avait l'expérience nécessaire pour accompagner le redressement de Nissan. Il était beaucoup moins évident que sa personnalité soit en cohérence avec le leadership partagé requis pour assurer la consolidation de l'alliance. »
IV - L’Alliance aujourd’hui
La chute de Carlos Ghosn aurait pu marquer le clap de fin de l’alliance. Mais après 23 ans d’existence, celle-ci continue de résister même si elle chancelle régulièrement. Et pourtant, l’Alliance résiste.
Avec la chute de Carlos Ghosn, Nissan a réussi à faire passer son message : Nissan n’est pas un faire-valoir dans cette alliance et se voit comme un égal et non pas comme une entité quelconque amenée à fusionner.
Depuis, Renault et son PDG ont envoyé des signaux allant dans ce sens à leur partenaire Japonais : Luca De Meo, a exclu toute idée de fusion avec Nissan : "Depuis 2010, la logique a été toujours de faire converger les organisations pour préparer la fusion. Je ne vois pas ça, je n'imagine pas une fusion car je ne suis pas sûr que cela ait un sens opérationnel".
Il fustige également (sans le citer) la stratégie de Carlos Ghosn « En 2018, Renault-Nissan était techniquement en termes de volumes de ventes et d'immatriculations numéro 1 au monde, mais si le numéro 1 au monde ne gagne pas d'argent ça veut dire que ce modèle ne fonctionne pas sur le long terme ».
D’un côté donc, Nissan a fait passer son message musclé avec l’arrestation de Carlos Ghosn que toute idée de fusion était absolument inacceptable ; de l’autre Renault adopte un dialogue constructif en envoyant de signaux d’apaisement à son partenaire.
Les deux constructeurs ont d’ailleurs confirmé le 10 octobre dernier avoir initié des discussions visant à « renforcer la coopération et le futur de l’Alliance ».
Ces discussions portent premièrement sur un point très clair : pour continuer, la relation doit se rééquilibrer. Renault détient toujours 43% dans Nissan qui lui ne détient que 15% du Français (et sans droits de vote). Nissan veut un retour à 15% de deux côtés que Renault pourrait lui concéder.
Car Renault a besoin de Nissan pour participer au financement de la division électrique de Renault et souhaite ainsi que son homologue Japonais entre au capital de sa nouvelle entité électrique.
En pleine « Renaulution », Renault exécute son plan pour transformer du volume en valeur. Une copie presque parfaite du modèle de Stellantis qui a déjà largement fait ses preuves. Et c’est un plan qui marche pour le moment :
« La valeur sur le volume des ventes ainsi que des hausses de prix pour compenser l’inflation des coûts et une optimisation des remises commerciales. » Renault révise à la hausse sa guidance 2022 : le groupe révise sa guidance annuelle à la hausse. Il table désormais sur une marge opérationnelle du groupe supérieure à 5 % contre de l’ordre de 3 % précédemment
« Renault a largement dépassé ses objectifs financiers 2021 malgré l’impact des pénuries de semi-conducteurs et la hausse du prix des matières premières ».
Une efficacité d’autant plus remarquable que Renault a été pris de plein fouet le retrait forcé de ses activités en Russie. Le groupe a en effet cédé la totalité de ses usines et les quelque 45.000 salariés à un partenaire public pour un rouble symbolique.
Deuxième marché du groupe, rentable et représentant pas moins de la moitié de ses profits en 2021.
V – Une vision commune, l’électrique
On aurait pu penser que Nissan voulait sabrer l’alliance en débarquant Carlos Ghosn de cette façon. Pourtant, Nissan souhaite davantage un rééquilibrage. Et ce depuis longtemps. Cet épisode, aussi spectaculaire soit-il, était surtout un coup de poing sur la table pour dire stop à la fusion.
Dans une intervention qui date un peu (mi 2020), le patron de Nissan n’est absolument pas enclin à remettre en cause l’alliance : « Ma priorité, c'est de redresser Nissan et pour cela de voir comment l'Alliance peut contribuer à notre croissance et à nos profits. Il suffit de regarder les chiffres pour reconnaître que Nissan, Mitsubishi et Renault sont aujourd'hui dans une position très difficile et que nous avons besoin les uns des autres. L'Alliance nous a beaucoup apporté dans le passé. Mon objectif, c'est qu'elle nous apporte encore beaucoup ».
Renault est donc enclin à donner à Nissan ce qu’il souhaite en réduisant largement sa participation. Mais si Renault envisage de le faire, le constructeur français entend obtenir une contrepartie, et pas des moindres : le constructeur Français souhaite que Nissan investisse à ses côtés dans son projet d’entité 100 % dédiée à la mobilité électrique baptisé Ampère. Renault compterait valoriser sa filiale à 10 milliards € et prévoit son introduction en Bourse dès 2023. Renault souhaite que son homologue Nippon y investisse entre 1 et 1,5 milliard €, soit environ 15 % du capital de la nouvelle société.
Cette IPO, c’est un moyen de profiter de l’effet Tesla, et financer les investissements dans l’électrique, un peu comme l’a fait Volvo, avec sa filiale Polestar et une introduction en bourse à plus de 20 Milliards de dollars (pour un CA de 1.6 Mds en 2021). Mais cette filiale Ampère, c’est surtout le moyen de réaliser l’objectif majeur de Renault pour parvenir au 100% électrique dès 2030.
Avec 36% de ses ventes dans l’électrique mi 2022, Renault avance bien. La marque au losange est l’une des mieux positionnée sur ce segment en Europe.
Le marché Français, l’un des plus gros marchés en Europe est très largement en retard par rapport à certains de ses voisins. Renault a donc un joli coup à jouer de ce côté-là.
Pionniers dans l’électrique, l’alliance a déjà investi plus de 10 milliards d’euros dans l’électrique en 10 ans. Les constructeurs ne comptent pas en rester là avec 23 milliards d’investissements prévus sur les cinq prochaines années ! Et cette vision commune autour de l’électrique, c’est bien ce qui pourrait faire le nouveau ciment de cette alliance. Celle-ci demande « Des investissements massifs qu'aucune des trois entreprises ne pourrait réaliser seule ».
Des investissements qui portent notamment sur un travail avec des partenaires pour réaliser des économies d'échelle et proposer des prix abordables, permettant ainsi de réduire le coût des batteries de 50% en 2026 et de 65% en 2028 mais aussi sur un élargissement progressif de la gamme : Avec 35 nouveaux véhicules 100% électriques en 2030, elle proposera l'offre la plus large de véhicules électriques sur le marché.
Conclusion
La chute de Carlos Ghosn était inévitable à cause de deux raisons. Sa vision de plus en plus globalisée avec en épilogue une fusion se heurtait de plus en plus à celle de Nissan qui ne comptait absolument se laisser absorber par Renault.
Deuxième point à mon sens important, l’accent avait été mis sur les volumes en faisant, certes brièvement de l’alliance un numéro un mondial du secteur. Or le résultat (pas entièrement imputable à cette stratégie mais en bonne partie) a été de très lourdes pertes. Dans le même temps, Stellantis a axé son succès sur le moins égal plus : Moins de véhicules vendus mais un rehaussement progressif des marges. Une stratégie de montée en gamme parfaitement exécutée sur laquelle Renault calque aujourd’hui son modèle.
Nissan a fait sa mise au point à sa manière et l’heure est à nouveau à l’entente. La réduction de la participation de Renault qui en discussion devrait permettre la création d’une relation plus égale entre les parties prenantes. Celles-ci partagent une vision commune, l’électrique, avec une vraie accélération dès l’année prochaine avec l’IPO d’Ampère.
Parallèlement, la restructuration de Renault est un succès et avance plus vite que prévue. Sur le plan boursier, le comportement de l’action Renault est très positif depuis le début d’année. L’invasion Russe en Ukraine a certes plombé le titre (la Russie étant à ce moment-là le second marché de Renault) mais l’impact n’a finalement pas été si catastrophique loin de là.
La révolution de Renault est en marche et les investisseurs semblent y croire. Ils apprécient également la franche orientation vers l’électrique.
Affaire à suivre donc, mais après plusieurs années de franches galères, Renault a maintenant tout pour repartir de l’avant.
PARTIE 2 : EXERCICE DE VALORISATION
Cet exercice de valorisation se composera de plusieurs parties qui viseront à étudier et noter chaque composante du business. La note finale impactera 3 types de valorisation : Base, croissance et sectorielle, qui ensemble donneront une JUSTE VALORISATION du titre.
SOMMAIRE :
1 Ratios de valorisation
2 Dynamique et bilan
3 Macro
4 Environnement internet et externe
5 Management
6 Catalyseurs & Historique
7 Valorisation sectorielle
RATIOS DE VALORISATION
Les capitaux propres de Renault dépassent très largement sa capitalisation boursière. Pour ce qui est de son PER, le retrait de Russie fausse le tableau avec une charge de 2.3 Milliards sur les comptes 2022. Sans cela, Renault aurait publié un bénéfice entre 1.5 et 2 Milliards ce qui donnerait un PER de 5/6. Cette charge pénalise donc la note pour Renault dans cette catégorie mais celle-ci étant exceptionnelle, je ne la prends qu’en partie en compte dans la note de la catégorie PER. La majorité des constructeurs étant sur des niveaux de valorisations assez faible, il n’y pas vraiment de décote sur le titre à l’heure actuelle par rapport à la concurrence. Si on met de côté les coûts exceptionnels liés à l’abandon du marché Russe, Renault est relativement peu valorisé par rapport aux multiples qui lui étaient appliqués par le passé.
DYNAMIQUE ET BILAN
Après une nette dégradation des résultats depuis 2017 et une année 2020 horrible, 2021 a marqué le retour à la fois de la croissance et des bénéfices. Encore une fois, le retrait de Russie pénalise le titre pour 2022 avec un chiffre d’affaires attendu en baisse et des résultats qui repasseront dans le rouge.
Renault a toutefois des atouts pour retrouver de la croissance sur les prochaines années. La croissance sectorielle est plutôt faible, l’électrique progresse mais les ventes de véhicules thermiques sont irrémédiablement tirées vers le bas. Un jeu à somme nulle en somme.
Au niveau du bilan, Renault est pénalisé par sa très lourde dette, très largement supérieure à ses capitaux propres et à son chiffre d’affaires. Son taux de marge qui était tombé sur des niveaux extrêmement faible s’est considérablement relevé et s’améliore de semestre en semestre.
MACRO
Renault subit un contexte dégradé avec une entrée en récession qui n’est maintenant plus qu’une question de temps. Les pénuries qui freinent beaucoup de secteurs et en particulier l’automobile depuis 2021 n’ont pas disparues mais tendent à s’estomper en partie. La nouvelle stratégie du groupe axée sur les marges et non plus les volumes permets à Renault de moins subir l’inflation par rapport à ce que l’on aurait pu craindre.
ENVIRONNEMENT INTERNE ET EXTERNE
Peu de choses ici, hormis quelques fonds en vente à découvert sur le titre. Ceux-ci ont plutôt eu tendance à réduire leur VAD ces dernières semaines, plusieurs étant repassés sous le seuil des 0.5% du capital.
MANAGEMENT
Que de chemin parcouru depuis l’affaire Carlos Ghosn ! Le nouveau DG Luca de Meo est en train de mettre tout le monde d’accord alors que la Renautution avance bien plus vite que prévue avec 2 à 3 ans d’avance sur certains objectifs.
CATALYSEURS + HISTORIQUE
La vie du titre a pris l’habitude d’être mouvementée ces dernières années entre la montée de l’état Français au capital, l’affaire Carlos Ghosn, l’arrivée de Luca de Meo, la Renaulution, la Russie … La suite ne s’annonce pas du tout plus calme, au contraire. Plusieurs catalyseurs pourraient venir booster le cours dans les prochains mois, à commencer par la réduction de la participation dans Nissan qui pourrait permettre à Renault de dégager quelques milliards pour se désendetter ou bien accélérer ses investissements dans l’électrique. L’introduction en bourse d’Ampère toujours prévue l’année prochaine sur une base de 10 Milliards pourrait également soutenir une hausse future du titre Renault dont la capitalisation n’excède pas les 9 Milliards.
Le retrait du marché Russe se passe lui mieux que prévu avec un impact bien absorbé. Les marges augmentent alors que les objectifs de la Renaulution sont pour certains atteints avec beaucoup d’avance. Pour l’historique des cours c’est une autre histoire, le cours étant toujours à -70% sur 4 ans. Enfin, Renault est en passe de réussir son tour de force en parvenant jusque là à un inverser une situation pourtant extrêmement délicate.
NOTE FINALE
VALORISATION SECTORIELLE
Pour l’heure, Renault est valorisée sur une base de 0.189x son chiffre d’affaires. C’est moins que Stellantis à 0.252x le CA ou Volkswagen à 0.274x le CA et très largement moins que Volvo, valorisée à 0.82x son CA.
Ce ratio pour Renault est sensiblement le même que l’on retrouve sur Valeo qui est à 0.205x son CA. Faurecia est moins bien lotie à x0.118 son CA tandis que Plastic Omnium s’en sort mieux à 0.247x son CA.
Je baserai donc mon multiple de valorisation sectorielle sur une base proche de celle de Stellantis et Volkswagen à 0.27x le CA, celui-ci étant plutôt raisonnable et largement inférieur à d’autres grands constructeurs (Ford ou Toyota).
JUSTE VALORISATION
A l’issue de ce travail de valorisation intégrant la dynamique du groupe, sa santé financière, ses perspectives de croissance et l’étude de ses comparables ; le calcul fait ressortir une juste valorisation du titre à 34.17€. Soit un potentiel de 9.2% lors de l’analyse (31.30€).
CONCLUSION
La valorisation tirée du modèle apparait surprenante et faible au regard de la recovery du titre. Car oui, Renault est en train de réussir un redressement spectaculaire tant la déroute du titre liée à l’arrestation de Carlos Ghosn et les pertes énormes de 2020 semblent maintenant loin.
Mieux, le cours de bourse du titre est extrêmement résilient depuis 6 mois. Il ne baisse pas quand 90% de la cote baisse et surperforme largement les autres acteurs cotés du secteur. Dans ce cas pourquoi une valorisation aussi faible ?
Premièrement, la dette du groupe reste très élevée, largement supérieure à sa capitalisation boursière et à son CA.
Deuxième raison, Renault a besoin de Nissan pour investir dans Ampère, sa nouvelle marque 100% électrique. Inversement, c’est moins vrai. Nissan semble toutefois disposé à investir en échange d’une réduction de la participation de Renault dans Nissan. Pas d’accroc jusque-là mais le scalp de Carlos Ghosn a bien illustré que les réactions de Nissan sont difficiles à anticiper.
La dernière raison s’appelle Stellantis. Pourquoi aller sur Renault quand Stellantis présente une valorisation au rabais avec de meilleurs fondamentaux et des risques moins élevés ? Stellantis c’est un PER de 3, un large portefeuille de marques multisegments et des marges parmi les meilleurs du secteur. Un modèle pertinent sur lequel Renault se calque avec sa Renaulution. Pourquoi préférer la copie à l’original ? (En analysant Stellantis sur ce même modèle, la valorisation par titre ressort à 23.74€ soit un potentiel de 73.3%).
Dernier point important à mon sens au sujet de la valorisation issue de mon modèle, c’est la valorisation actuelle du secteur automobile. Beaucoup de valeurs automobiles, constructeurs et équipementiers ont des capitalisations boursières bradées en 2022. C’est un élément qui a mon sens devrait changer avec une revalorisation dans les mois et années à venir. Gare toutefois aux acteurs du secteurs qui ne s’exposent pas assez à l’électrique, car si l’exemple de Tesla illustre bien un élément c’est que le marché accorde une énorme prime aux acteurs du secteur qui prennent le virage de l’électrique. Cela ne devrait pas être un problème pour Renault, avec l’IPO d’Ampère et son objectif de 100% électrique à horizon 2030. Et c’est sans doute ce qui explique le net retour des investisseurs sur le dossier après des années de galères.
OPINION > ACHAT
Rappel : Ce travail n’est en aucun cas un conseil en investissement. Il vise simplement à produire une analyse d’une société cotée et tente de valoriser celle-ci au vu des éléments analysés.
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