Fleuron de la technologie française, le groupe Grenoblois fabrique des matériaux semi-conducteurs utilisés pour la fabrication des puces. Sa technologie révolutionnaire, baptisée SOI, permet de diminuer la consommation d’énergie et d’augmenter la vitesse du processeur. Elle est aujourd’hui tellement incontournable que 100% des smartphones utilisent ses composants. La firme a également signé un contrat avec Google, qualifié de contrat du siècle.
Si l’année 2023 sera morose, le groupe est très confiant pour la suite, puisqu’il entend quasiment doubler de tailler sur les 2 exercices suivants.
Pourtant, la réalité a longtemps, très longtemps, été bien différente. 10 années dans le rouge, des diversifications ratées et une quasi faillite à plusieurs reprises. Soitec la miraculée est pourtant aujourd’hui l’une des plus belles entreprises de la cote Française. Comment s’est-elle sortie de cette mauvaise passe pour signer l’une des plus belles recovery boursière du marché Français ?
10 années dans le rouge
En 2015, Soitec était aux abois et affichait une perte abyssale de 259 millions, supérieure à son chiffre d’affaires de 222 millions d’euros. Les raisons de cette descente aux enfers sont multiples.
Entre 2004 et 2006, Soitec voit son cours de bourse s’envoler, étant multiplié par plus de x6 en 2 ans. Mais la crise de 2008 passe par là et le ralentissement économique global n’épargne pas la firme Iséroise. Un chiffre d’affaires 2007-2008 en baisse de 20%, un faible niveau d’activité et une ultra dépendance à 5 clients (85% du CA) font passer Soitec dans le rouge.
La deuxième raison de cette très mauvaise passe, c’est une diversification ratée vers le solaire. « La situation actuelle du marché solaire mondial représente une opportunité pour Soitec »
A terme, la rentabilité visée pour le segment solaire est d'environ 15 %, comme pour l'électronique. André-Jacques Aubertin-Hervé, PDG du groupe, attendait de ces deux nouvelles activités des revenus équivalents à ceux de l'activité d'électronique. Une rentabilité qui ne sera jamais atteinte.
La perte d'un très gros contrat évalué à environ 250 millions d'euros en Californie sonne définitivement le glas des ambitions du groupe dans le solaire après que cette annonce, fin décembre 2015, fait chuter le cours en Bourse de 53% en une seule matinée. C’est un raté particulièrement coûteux pour une entreprise déjà fragilisée. Soitec y avait investi au total 400 millions d’euros.
L’autre raison pour laquelle Soitec a longtemps été en difficulté, c’est que les grandes firmes ont longtemps été réticentes à utiliser sa technologie. Celle-ci était l’une des meilleures sur le marché mais la fragilité de la société durant cette période et les pertes qui s’accumulaient s’incitaient pas les grands groupes à lui accorder leur confiance. Un cercle vicieux en somme puisque sans ça Soitec ne pouvais pas espérer se sortir du pétrin. "Vous voyez Intel ou Qualcomm dépendre d’un petit fournisseur français, qui est, en plus, en difficulté depuis des années ?" Soitec avait aussi le désavantage d’être Français "Cette technologie a tout pour plaire, mais elle a le grand défaut d’être française, estime Guy Dubois. C’est pourquoi les grands américains des semi-conducteurs, comme Intel ou Qualcomm, ont choisi son alternative FinFET de transistors 3D, développée, elle, aux États-Unis."
Il aura fallu au groupe beaucoup de patience et de résilience pour finir par imposer sa technologie aux grands. De multiples augmentations de capital et un très gros coup de pouce de ses actionnaires et d’autres investisseurs pour repartir de zéro sur des bases beaucoup plus saines : Les actionnaires de référence, le CEA, Bpifrance et un nouveau venu, le chinois NSIG Sunrise, ont répondu présent. La dette a fondu de 170 à 18 millions et Soitec a les moyens d’investir 40 millions. Des efforts rapidement payants, Soitec réalisait, fin 2016, son premier profit en dix ans.
La suite ? Un cours multiplié par x23 en 5 ans de fin 2016 à fin 2021 et une technologie qui s’est rapidement imposée à 100% du marché des smartphones.
2023, année de transition avant le retour de l’hyper croissance
On l’a peut-être oublié avec l’émergence progressive du thème de l’IA et la fusée Nvidia depuis 1 mois, mais les semi-conducteurs n’étaient pas vraiment à la fête avant ça. STM perdait 15% pas plus tard que fin avril là ou Soitec baissait de 20% suite à plusieurs avertissements venus de Samsung notamment, indiquant un ralentissement visible.
Et pour Soitec, ce ralentissement était déjà bien présent après deux exercices qui avaient permis au groupe de doubler de taille, passant d’un CA de 584 Millions de Dollars à 1089 millions. Car le marché des smartphones est moins dynamique et l’année 2023 sur fond d’écoulement de stocks. Pour Soitec, cette conjoncture moins favorable devrait se traduire par une baisse de - 15% au S1 compensée par un S2 plus dynamique pour un exercice au global à l’équilibre.
A plus long terme, les prévisions restent très alléchantes : Soitec a confirmé jeudi son objectif de doubler son excédent brut d'exploitation (Ebitda) d'ici trois ans et vise un chiffre d’affaires de 2,1 milliards de dollars pour 2025/2026. Un développement accompagné par un doublement de ses capacités de production avec, à la clé, l’ouverture de deux nouvelles usines.
Sur la base d’un exercice 2024 stable, il faudrait une croissance de 40% du CA sur les 2 exercices suivants pour y arriver. Pas une mince affaire. Trop ambitieux ? A première vue, la prévision de CA semble effectivement difficilement atteignable. Mais en regardant un peu le track record de la société, celle-ci a plutôt été cohérente dans ses guidances à long terme par le passé :
- Début 2019, après avoir publié un CA de 444 millions USD, elle annonce viser 900 millions 3 ans plus tard. Au final, ce sera 863 millions, mais avec un impact covid.
- Ensuite, début 2021, la société entend viser 2 milliards pour 2025/2026. Ces 2 milliards sont passés à 2.1 milliards.
A plus long terme, la société anticipe un « triplement de ses marchés adressables d’ici 2030 » rien que ça. Difficile de ne pas être optimiste après ça.
Pour ce qui est du timing, c’est plus discutable. Personne ne sait combien de temps cette frénésie IA durera mais toutes les valeurs semi-conducteurs ont repris au minimum 20% depuis la publication des résultats de Nvidia très largement au-dessus du consensus. Pour les valeurs Américaines, on est plus sur une hausse de 50% minimum. Plutôt risqué à court terme mais Soitec restera indéniablement une des valeurs de la cote à surveiller et tirera son épingle du jeu, IA ou pas IA c’est une certitude.
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